Jurema…

7 septembre 2012 par AL Laisser une réponse »

Sous sa carapace de lâcheté, l’homme aspire à la bonté et veut être aimé. S’il prend le chemin du vice, c’est qu’il a cru prendre un raccourci qui le mènerait à l’amour. John Steinbeck, A l’est d’Eden

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Oleg Dou, Eyes, 2012, 120 cm × 120 cm / 180 cm × 180 cm C-print under Diasec. Edition of 8+2AP.

J’ai eu un déchaînement transcendantal de visions colorées aujourd’hui, dans le bus, en allant à Marseille. Nous roulions sur une longue avenue bordée d’arbres et je fermais les yeux dans le soleil couchant quand un flot irrésistible de dessins de couleurs surnaturelles d’une intense luminosité explosa derrière mes paupières, un kaléidoscope multidimensionnel tourbillonnant à travers l’espace. Je fus balayé hors du temps. Je me trouvais dans un monde infini… La vision cessa brusquement quand nous quittâmes les arbres. Brion Gysin Journal du 21 décembre 1958

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Oleg Dou, Smile, 2011, 120 cm×120 cm/180 cm×180 cm C-print under Diasec. Edition of 8+2AP.

« Science des indiens »
Ils conçoivent que la boisson incarne l’entité, perçue comme un guide capable d’enseigner le bon chemin et d’apprendre aux Indiens les savoirs dont elle dispose. L’état de communion avec la Jurema, être « juremado » est exclusif aux Indiens. La communication qui s’établit a comme préalable une condition « naturelle », ce qui démarque bien la frontière entre les non-Indiens et les Indiens. Ils considèrent que la connaissance émanant des plantes, vues comme des êtres enchantés, est une « science ». Si le monde végétal est pour nous un monde vivant, pour eux cette condition dépasse le cadre des propriétés organiques pour s’inscrire dans une conception du monde dans laquelle les plantes sont des êtres spirituels, dotées de connaissance et de pouvoir. Extrait thèse de Marcos Luciano Lopes Messeder, Rituels et drames d’alcoolisation chez les Tremembe.

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Katy Horan, when the Moon is Full, 2009, acrylic and gouache on wood.

L’opposition entre le cru et le cuit est la première relation dont part Claude Lévi-Strauss pour analyser les mythes amérindiens qui constituent le matériau des Mythologiques. Que les espèces animales ou végétales soient consommées crues ou cuites importe pour la pensée amérindienne, car c’est le rapport de la société à la nature depuis l’introduction du feu de cuisine au néolithique qui est impliqué. Cette opposition déplace à l’intérieur de la société celle entre nature et culture : le cru est plus proche de la nature, le cuit de la culture, mais une viande peut aussi être trop crue (c’est le pourri) ou trop cuite (c’est ce qu’il appelle le « triangle culinaire »).

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Álvaro Oyarzún, Autoportrait, 2009, encre de Chine sur polyester, 110 cm x 110 cm

La gastronomie établit une « bonne distance » entre le cru et le cuit, en introduisant des termes intermédiaires comme le bouilli, le rôti et le fumé. L’opposition entre le cru et le cuit illustre le projet d’une « logique des qualités sensibles » qui l’anime dans les Mythologiques : au lieu de partir d’oppositions abstraites, la pensée amérindienne part d’oppositions concrètes pour élaborer toute une mythologie. « L’homme nu », sur lequel se clôt le cycle des Mythologiques, c’est l’homme revenu en deçà du cru (l’anglais utilise le même mot raw pour désigner le cru et le nu), au point de plus grande abstraction où, avant d’être consommateur de viande crue ou cuite, il n’est rien qu’homme – c’est-à-dire esprit. Les structures de l’esprit par Frédéric Keck.

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Il prit de la farine de maïs devant la porte et la répandit au soleil; il fila de la laine noire, il fila de la laine blanche, et des deux fils mêlés il entoura le poignet gauche de ma mère: c’est un puissant moyen pour assembler les enfants – de même, nous jumeaux, nous avons commencé à ne faire qu’un seul. Elle aussi a aidé à nous assembler, tant elle ne voulait qu’un seul enfant. Don C. Talayesva, Soleil Hopi, page 17

Références:
Galerie Catherine Putman

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