(…) le fleuve de l’Omo, à cheval sur un triangle Ethiopie-Soudan-Kenya, la grande vallée du Rift qui se sépare lentement de l’Afrique, une région volcanique qui fournit une immense palette de pigments, ocre rouge, kaolin blanc, vert cuivré, jaune lumineux ou gris de cendres. La force de leur art tient en trois mots : les doigts, la vitesse et la liberté. Ils dessinent mains ouvertes, du bout des ongles, parfois avec un bout de bois, un roseau, une tige écrasée.
Des gestes vifs, rapides, spontanés, au-delà de l’enfance, ce mouvement essentiel que recherchent les grands maîtres contemporains quand ils ont beaucoup appris et tentent de tout oublier. Pas d’écoles, de tendances, de rites, pas de signification religieuse comme en Amazonie, pas de code ancestral proche des Aborigènes d’Australie, pas de projet, de carcan, de prison. Seulement le désir de se décorer, de séduire, d’être beau, un jeu et un plaisir permanent.
Il leur suffit de plonger les doigts dans la glaise et, en deux minutes, sur la poitrine, les seins, le pubis, les jambes, ne naît rien moins qu’un Miro, un Picasso, un Pollock, un Tàpies, un Klee…On reste pantois. Surtout quand, dans un grand rire, le guerrier ou l’adolescente immole aussitôt son chef d’œuvre en plongeant dans l’eau du fleuve. C’est un art libre, éphémère et gratuit. (…suite du texte)
Références :
Photos Hans Silvester
Grands reporters
Africa museum.be