Archive pour le ‘Dessin’ catégorie

Ukiyo-e…

19 mars 2011

Il y a trois bombes. La bombe atomique, la bombe démographique et la bombe de l’information. Albert Einstein

null
Hokusai Katsushika, La Grande Vague de Kanagawa (1831), première des 46 estampes composant les 36 vues du mont Fuji.

Le temps déferle littéralement sur nos têtes. Nous en concevons une obscure inquiétude. A rester trop immobiles dans nos convictions, pensons-nous, nous risquerions de manquer quelque chose de la course du monde. La religion de la vitesse qui nous assiège transporte avec elle un « trop-plein » de réel. Pour éviter d’être submergé nous n’avons d’autre recours que de nous dépêcher toujours plus. Nous finissons par faire de la vitesse elle-même le symbole de l’innovation, de la réussite et du bonheur humain. (…suite article) Paul Virilio, Le critique de la vitesse, Nouvel obs, 18/08/10.

null
Gisela & Manfred Delpho, A « Royal Fisher » at the winter hunt, Flying up.

(…) La nature favorise l’expertise locale. Conséquemment, les espèces s’adaptent graduellement et définissent leurs spécialités, les niches dans lesquelles elles peuvent le mieux se tirer d’affaire. Si les ressources étaient abondantes dans les forêts tropicales, ces spécialistes n’existeraient pas. Les espèces qui croissent plus vite en consommant plus de ressources les domineraient rapidement et la forêt serait peuplée de quelques ilôts de monoculture. Les limites sont, en fait, la source des innovations dans la nature. Chaque stade de développement atteint sa limite, laissant place à la créativité. Si une innovation est adéquate pour relever le défi des limites, l’écosystème en tire profit. (…suite article), Biomimétisme, Encyclopédie de l’agora, 11/02/06.

null
Gisela & Manfred Delpho, A « Royal Fisher » at the winter hunt, Noisedive.

Il faut y voir la métaphore d’une espèce de folie anthropologique. Le monde n’est plus qu’un perpétuel empressement. On assiste, écrit Virilio, à la « conjonction de plus en plus forte, étendue à l’ensemble de l’espèce humaine, entre les deux séries de phénomènes : des transmissions d’informations, à la vitesse de la lumière, et des transports réels . (…suite article) Paul Virilio, Le critique de la vitesse, Nouvel obs, 18/08/10.

null
Olaf Brzeski, Dream – Spontaneous Combustion, 2008, resin, soot, approx. 175 cm h, East International, Norwich.

L’accident ici nous dépasse. Nous assistons à ce que j’appelle des événements « révélationnaires » : ils révèlent ce que nous ne maîtrisons pas. La notion de progrès sert à nier cela, puisque dire « progrès » c’est dire que c’est mieux. Or, la réussite devient catastrophique, c’est inouï. (…suite article) Paul Virilio, Notre puissance se retourne contre nous, Science et avenir, 17/03/11.

La nature est un professeur, pas un fournisseur et le biomimétisme commence en sortant de chez soi, avec la capacité à observer et à s’émerveiller ! , Janine Benyus.

Références:
Ukiyo-e
Biomimétisme
Ask nature
Biomimicry institute
Czarna galeria
Musée des accidents
Tour du monde en 80 hommes

Yáahl…

8 mars 2011

Qui n’entend corps-vidé ? Vidé pour être réceptif à l’Idée.

null
Susanna Majuri, Raven, 2009, C-print on Diasec, 100 x 150 cm.

Je suis le corps des lumières, le support du dépôt des secrets, le lieu de la qualité et de la quantité, la cause de la joie et de la peine, je suis le commandant et le commandé. Les sens et le sensible m’appartiennent », chante Ibn’Arabi

null
Bill Reid, The Raven and the First Men, 1980, cèdre jaune, lamellé et sculpté, 1,88 m de hauteur x 1,92 m de diamètre, MOA UBC, Vancouver, Canada.

Selon les légendes haïdas, les premiers humains sont sortis d’un gigantesque coquillage échoué sur la plage de la pointe Rose. Ils sont venus au monde grâce au Corbeau, créature la plus puissante des temps mythiques. Le Corbeau se promenait sur la plage lorsqu’il entendit du bruit qui provenait d’un coquillage entrouvert. S’approchant, il vit que le coquillage était plein de petites créatures humaines. Les petits êtres semblaient terrifiés par le Corbeau et par le vaste monde qui s’étendait aux alentours.

nullLouis Moe, Faun med tamborin, Lys mål 20 x 21 cm Opus 29 nr 129.

Alors le Corbeau approcha sa large tête du coquillage, et de cette langue habile qui lui avait valu tant d’aventures et tant de mésaventures au long de sa vie de filou, réussit, par la ruse, la force et la cajolerie, à persuader les petits êtres de sortir jouer dans son monde tout neuf, si gai et si brillant. Bill Reid, artiste Haïda.

null
Men in ceremonial regalia. Two men (left, third from left) wear a mask. (seule photo connue de chamans haïdas (sah-gah) portant des masques), Edward Dossetter, Masset, 1881.

Chez les Haïdas, l’art était omniprésent. L’art ne faisait qu’un avec la culture. L’art était notre seule langue écrite. Tout au long de notre histoire, l’art a assuré la survie de nos esprits. Robert Davidson, artiste Haïda.

Références:
Helsinki school
Langue Haïda

Agapē…

2 mars 2011

Le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles. Gandhi

nullAlexandre Farto

Les prophètes décrivent leur vision comme quelque chose de bien réel, qu’ils ont vu avec leur oeil immortel; il en est de même des apôtres, l’oeil de lumière perçoit distinctement les objets. Un Esprit, une vision ne sont pas, contrairement à ce qu’en pense la philosophie moderne, des phénomènes nébuleux, ou du néant : ce sont des phénomènes qui procèdent d’un degré d’organisation dépassant infiniment les pouvoirs de la nature mortelle. Celui qui ne «voit» pas plus distinctement, plus clairement, plus fortement et plus lumineusement qu’avec son oeil mortel, celui là ne «voit» pas. William Blake

null
Alexandre Farto

Le champignon, comme toutes les substances psychédéliques naturelles, nous permet de voir, plus fortement et plus lumineusement qu’avec notre oeil mortel, bien au delà des horizons de cette vie passagère; il nous permet de voyager dans le temps, de traverser d’autres niveaux de réalité, de connaître d’autres plans d’existence, comme disent les Indiens, il permet de voir dieu. Quoi d’étonnant à ce que les participants se sentent indissolublement lies à l’agape ? Quoi d’étonnant à ce que la personnalité soit éclipsée, dès lors que le corps et l’esprit sont restaurés dans un état natif! Tout ce que l’on voit cette nuit là baigne dans la clarté de l’origine : le paysage, les maisons, les ustensiles quotidiens, les animaux, tout est calmement irradié par la lumière primordiale; on dirait que les choses viennent juste d’être fabriquées par le Créateur!

Erik Johansson, Gå din egen väg

Cette totale nouveauté — on dirait l’aube de la création — vous submerge et vous enveloppe, vous dissout dans sa beauté inexprimable. Et, naturellement, vous avez le sentiment d’être pris dans un événement, de participer d’une dimension qui transcendent infiniment le traintrain de la vie quotidienne. Ici et maintenant, je vois pour la première fois, je vois directement, sans l’aide des yeux mortels. Et pendant tout le temps que vous « voyez ». la prêtresse chante, elle ne chante pas fort, mais avec autorité. Les Indiens n’ont pas l’habitude de manifester leurs états intérieurs, sauf en des occasions comme celle ci.


William Blake, The Great Red Dragon and the Woman Clothed with the Sun, pen and watercolour, 435 x 345 mm, 1805

Platon nous dit qu’au delà des apparences éphémères de ce monde illusoire, il y a un monde idéal, le monde des Idées, où les choses existent avec leur visage originel, dans leur forme éternelle. Pendant deux millénaires, les philosophes se sont acharnés à peser et à discuter sa «théorie». D’où Platon tire-t-il ses conceptions ? Pour moi, la chose est claire, comme elle l’était aussi pour ses contemporains. Platon avait bu le breuvage à Eleusis et il avait eu la Vision cette nuit-là. D’après l’article « Le champignon divin de l’immortalité » sur R. Gordon Wasson.


Ex drummer réalisé par Koen Mortier 2007, 104 minutes.

Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. Gandhi

Ratiocination…

15 février 2011

Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Charles Baudelaire

null
Anonyme, Photographie spirite (homme debout en extérieur et spectre d’Indien) vers 1910, épreuve argentique, H. 0.14 ; L. 0.098, musée d’Orsay, Paris, France

Nous avions atteint le sommet du rocher le plus élevé. Le vieux homme, pendant quelques minutes, sembla trop épuisé pour parler.
— Il n’y a pas encore bien longtemps, — dit-il à la fin, — je vous aurais guidé par ici aussi bien que le plus jeune de mes fils.

null

Mais, il y a trois ans, il m’est arrivé une aventure plus extraordinaire que n’en essuya jamais un être mortel, ou du moins telle que jamais homme n’y a survécu pour la raconter, et les six mortelles heures que j’ai endurées m’ont brisé le corps et l’âme. Vous me croyez très-vieux, mais je ne le suis pas.

null

Il a suffi du quart d’une journée pour blanchir ces cheveux noirs comme du jais, affaiblir mes membres et détendre mes nerfs au point de trembler après le moindre effort et d’être effrayé par une ombre. Savez-vous bien que je puis à peine, sans attraper le vertige, regarder par-dessus ce petit promontoire.

null

Le petit promontoire sur le bord duquel il s’était si négligemment jeté pour se reposer, de façon que la partie la plus pesante de son corps surplombait, et qu’il n’était garanti d’une chute que par le point d’appui que prenait son coude sur l’arête extrême et glissante, — le petit promontoire s’élevait à quinze ou seize cents pieds environ d’un chaos de rochers situés au-dessous de nous, — immense précipice de granit luisant et noir.

null

Pour rien au monde je n’aurais voulu me hasarder à six pieds du bord. Véritablement, j’étais si profondément agité par la situation périlleuse de mon compagnon, que je me laissai tomber tout de mon long sur le sol, m’accrochant à quelques arbustes voisins, n’osant pas même lever les yeux vers le ciel. Je m’efforçais en vain de me débarrasser de l’idée que la fureur du vent mettait en danger la base même de la montagne. Il me fallut du temps pour me raisonner et trouver le courage de me mettre sur mon séant et de regarder au loin dans l’espace.

Une descente dans le maelstrom, Edgar Allan Poe, Histoires extraordinaires, traduction Charles Baudelaire, 1869.


Illustrations de Harry Clarke

Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s’il le faut… Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ! Charles Baudelaire

Références:
Ratiocination
Grandmas graphics

Voyelles…

18 janvier 2011

Je cheminais toujours sans autre dessein que de le suivre, mais tellement ravi d’avoir trouvé un homme, que je n’osais détourner les yeux de dessus lui, tant j’avais peur de le perdre. Cyrano de BergeracHistoire comique des etats et empires du soleil

null
Matthew Cusick, Geronimo, 2007, Maps and atlas pages on wood panel. 30 x 24 inches

Quand le dernier arbre aura été abattu
Quand la dernière rivière aura été empoisonnée
Quand le dernier poisson aura été péché
Alors on saura que l’argent ne se mange pas.
Go Khla Yeh, Homme-médecine Apache

null
Robert & Shana ParkeHarrison, Summer Arm, 2007. x. 27 x 21 inch Archival print, edition of 20. Signed, titled, dated, and numbered in pencil verso

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

null
Le voyage alchimique 7, Notre-Dame de Paris, 96mn, de Georges Combe, avec Patrick Burensteinas.

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Arthur Rimbaud, Voyelles (1871)

null
Julie Evans, Smoking medallion, 2010, acrylic, gouache, colored pencil, mineral and lac pigments on paper, 18 x 15″

Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, nous les voyons telles que nous sommes. Anaïs Nin

Références:
Nous les dieux
Langue des oiseaux
Amerwiki