Archive pour le ‘Musique’ catégorie

Nystagmus…

9 juin 2012

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Le monde comme volonté et comme papier peint, Consortium de Dijon.

(…) La plus belle image de l’amour, je vous dis, c’est quand une femme un homme vont pour démarrer sur une motocyclette. Au moment même où le garçon appuie sur la vitesse, la fille entoure son buste de son bras arrondi, et elle penche la tête sur son épaule. (…)

Edouard Glissant, Marie-Galante, La cohée du lamentin, poétique V, 2005

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Iguana wallpaper
(…)
Choses écartez-vous faites place entre vous
place à mon repos qui porte en vague
ma terrible crête de racines ancreuses
qui cherchent où se prendre
Chose je sonde je sonde
moi le portefaix je suis porte-racines
et je pèse et je force et j’arcane
j’omphale
Ah qui vers les harpons me ramène
je suis très faible
je siffle oui je siffle des choses très anciennes
de serpents de choses caverneuses
Je or vent paix-là

Aimé Césaire, Corps perdu (extrait), In cadastre, suivi de moi, laminaire…, 1961

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Illustration de l’édition originale de Die Rebellion der Gehenkten (photo B Traven)

Vivre dans une commune indienne et s’y sentir bien, heureux, présuppose que vous y êtes né et que vous y ayez grandi. (…) s’il fallait vivre dans un état aussi primitif, la vie paraîtrait à un homme civilisé si pauvre, si dépouillée, si aride, si incolore, qu’il considérerait qu’elle ne vaudrait pas la peine d’être vécue. L’Indien du Chiapas « ne participe pas à la civilisation. Or si cette civilisation instille aussi bien des poisons dans la vie des hommes, elle peut d’un autre côté rendre cette vie suffisamment riche pour qu’ils acceptent le goût amer du poison qui l’accompagne ». B Traven


Marie-Angélique Memmie Le Blanc

Ces archives attestent que l’unique enfant qui eût pu survivre une décennie en forêt sans altération irréversible de son corps et de son esprit, fut une petite Amérindienne du peuple des Renards (actuellement les Fox ; États-Unis), emmenée en France par une dame du Canada qui eut le malheur d’aborder à Marseille lors de la grande peste de 1720.

Évadée lors de la terrible épidémie dont elle eut dû être la victime, Marie-Angélique parcourut sur des milliers de kilomètres les forêts du royaume de France, avant d’être capturée en Champagne, en 1731, dans un fort état d’ensauvagement. Durant cette décennie, elle n’a pas vécu au sein des loups, mais survécu au péril de ceux-ci, s’étant armée d’un gourdin et d’une arme métallique, volée ou découverte. Lorsqu’elle fut capturée, cette chasseresse noirâtre, chevelue, griffue, présentait certes des éléments de régression (elle s’agenouillait pour boire l’eau et ses yeux étaient animés d’un battement latéral permanent, tel un nystagmus, stigmate de sa vie dans l’alerte), toutefois, cette enfant avait triomphé d’un défi inouï, non tant la lutte contre le froid, les loups et la faim, mais bien le combat de préserver son langage articulé, fut-ce après une décennie de mutisme, de parole envolée.

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The NIH Human Connectome Project 2011

il arrive plus ordinairement qu’un Français se fasse sauvage, qu’un sauvage devienne français… L’aventure oubliée de la nouvelle france, Gilles Havard.

Références:
Arthur H & Nicolas Repac, L’or Noir, poétika musika, 2012
Blog sur Marie Angelique
Nystagmus

Hozho…

16 avril 2011

Je suis un homme-singe, l’homme est un singe comme les autres. Volker Sommer

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Franz Xaver Messerschmidt, L’homme de mauvaise humeur, tête de caractère - Musée du Louvre.

L’artiste se disait persécuté par des esprits qui le faisaient souffrir moralement et physiquement, notamment dans le bas-ventre et les cuisses. Il se regardait dans un miroir, se pinçait le corps en faisant diverses grimaces. Avec celles-ci, il entendait changer les expressions de son visage de manière à devenir maître de l’esprit des proportions qui le tourmentait. Friedrich Nicolai à propos de Franz Xaver Messerschmidt

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Michael Landy’s, Art Bin, a giant container for the disposal of works of art at the South London Gallery, January 2010

On ne peut battre son adversaire que par l’amour et non la haine. La haine est la forme la plus subtile de la violence. La haine blesse celui qui hait, et non le haï. En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre, en surface comme en profondeur. Etes-vous hindouiste ? Oui je le suis. Je suis aussi un chrétien, un musulman, un bouddhiste et un juif. Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l’air d’être vivants et pourtant il leur manque la vie de l’être en chair et en os. Vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre. Gandhi

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Jack Nicholson / Jack Torrance, All work and no play makes Jack a dull boy, Shining (The Shining), Stanley Kubrick, 1980.

Ces figures de l’ordre sont inséparables de l’irruption du désordre, qui vient bousculer les plus belles ordonnances. Ce qui se joue chez Kubrick, c’est le conflit entre la raison et la passion, cette invasion des pulsions refoulées qui se cachent sous le vernis de l’homme civilisé. (…) Le plus souvent, c’est une caméra à la main tenue par Kubrick lui-même ou la Steadicam qui exprime la confusion, le déséquilibre ou le chaos. (… suite article), Michel Ciment.

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Overlook Hotel, July 4th Ball 1921, Shining (The Shining), Stanley Kubrick,1980.

J’ai une certaine faiblesse pour les criminels et les artistes; ni les uns ni les autres ne prennent la vie comme elle est. Toute histoire tragique doit être en conflit avec les choses comme elles sont. Stanley Kubrick

Chant Navajo pour apaiser la colère d’un ennemi

    Abandonne tes pieds au pollen.
    Abandonne tes mains au pollen.
    Abandonne ta tête au pollen.
    Alors tes pieds sont le pollen,
    ton esprit est le pollen,
    ta voix est le pollen.
    La piste est belle.
    Sois tranquille.

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Curtis, Edward S, A Navaho smile, 1904.

La voie de la beauté, La voie de l’ennemi, la voie de la bénédiction et beaucoup d’autres, ont chacune vocation à être conduite par un « hataali » (littéralement « chanteur », incorrectement traduit par « shaman »). Les hommes-medecine navajo recoivent une initiation très jeune. Ils doivent apprendre à maitriser la Voie de la Bénédiction et son opposée, la Voix de l’Ennemi. Une cérémonie importante est celle de la Kinaaldá , liée à la Voie de la Beauté. Elle est destinées aux jeunes filles, pour les accompagner à l’époque de la puberté, « les rendre plus fortes, indépendantes d’esprit » dit le chanteur Sam Begay. La cérémonie dure une journée, et permet à la jeune fille d’aborder son nouveau statut de femme avec confiance. Société matrilinéaire, la femme a une place privilégiée au sein du peuple Navajo. Un Navajo appartient au clan de sa mère, étant seulement « né pour » celui de son père.

La voie de l’Ennemi ne peut se pratiquer hors des frontières de la Nation Navajo, pendant l’été. Actuellement, elle est prodiguée aux soldats revenant d’Irak. « Si votre esprit à reçu l’ordre de tuer, il est imprégné de cet ordre, et il faut l’extraire » explique le Docteur Alvord. Dans cette voie, 2 jeunes femmes Bispali et Glispah sa soeur cadette sont données en butin aux vainqueurs d’une bataille, deux vieillards capables de prendre l’apparence de la jeunesse et de la beauté. Les deux jeunes filles vont s’enfuir : Bispali à l’ouest deviendra l’héroïne de la voie de la Montagne et Glispah à l’Est, celle de la voie de la Beauté.

Nommée aussi voie du serpent, la voie de la Beauté conte les aventures de Glispah au pays souterrain du peuple Serpent. Elle va apprendre à contrôler les forces de la fécondité, à la suite de multiples aventures. Mariée à l’Homme Serpent, elle reviendra sur terre pour enseigner aux hommes la voie de la Beauté, puis retournera vivre parmi le peuple serpent. Elle règne sur les nuages, la pluie, la végétation.

Références:
Hozho
Blackfire, groupe Navajo
Arizona dream
Nation Navajo
Editions Nuage Touge

Agapē…

2 mars 2011

Le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles. Gandhi

nullAlexandre Farto

Les prophètes décrivent leur vision comme quelque chose de bien réel, qu’ils ont vu avec leur oeil immortel; il en est de même des apôtres, l’oeil de lumière perçoit distinctement les objets. Un Esprit, une vision ne sont pas, contrairement à ce qu’en pense la philosophie moderne, des phénomènes nébuleux, ou du néant : ce sont des phénomènes qui procèdent d’un degré d’organisation dépassant infiniment les pouvoirs de la nature mortelle. Celui qui ne «voit» pas plus distinctement, plus clairement, plus fortement et plus lumineusement qu’avec son oeil mortel, celui là ne «voit» pas. William Blake

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Alexandre Farto

Le champignon, comme toutes les substances psychédéliques naturelles, nous permet de voir, plus fortement et plus lumineusement qu’avec notre oeil mortel, bien au delà des horizons de cette vie passagère; il nous permet de voyager dans le temps, de traverser d’autres niveaux de réalité, de connaître d’autres plans d’existence, comme disent les Indiens, il permet de voir dieu. Quoi d’étonnant à ce que les participants se sentent indissolublement lies à l’agape ? Quoi d’étonnant à ce que la personnalité soit éclipsée, dès lors que le corps et l’esprit sont restaurés dans un état natif! Tout ce que l’on voit cette nuit là baigne dans la clarté de l’origine : le paysage, les maisons, les ustensiles quotidiens, les animaux, tout est calmement irradié par la lumière primordiale; on dirait que les choses viennent juste d’être fabriquées par le Créateur!

Erik Johansson, Gå din egen väg

Cette totale nouveauté — on dirait l’aube de la création — vous submerge et vous enveloppe, vous dissout dans sa beauté inexprimable. Et, naturellement, vous avez le sentiment d’être pris dans un événement, de participer d’une dimension qui transcendent infiniment le traintrain de la vie quotidienne. Ici et maintenant, je vois pour la première fois, je vois directement, sans l’aide des yeux mortels. Et pendant tout le temps que vous « voyez ». la prêtresse chante, elle ne chante pas fort, mais avec autorité. Les Indiens n’ont pas l’habitude de manifester leurs états intérieurs, sauf en des occasions comme celle ci.


William Blake, The Great Red Dragon and the Woman Clothed with the Sun, pen and watercolour, 435 x 345 mm, 1805

Platon nous dit qu’au delà des apparences éphémères de ce monde illusoire, il y a un monde idéal, le monde des Idées, où les choses existent avec leur visage originel, dans leur forme éternelle. Pendant deux millénaires, les philosophes se sont acharnés à peser et à discuter sa «théorie». D’où Platon tire-t-il ses conceptions ? Pour moi, la chose est claire, comme elle l’était aussi pour ses contemporains. Platon avait bu le breuvage à Eleusis et il avait eu la Vision cette nuit-là. D’après l’article « Le champignon divin de l’immortalité » sur R. Gordon Wasson.


Ex drummer réalisé par Koen Mortier 2007, 104 minutes.

Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. Gandhi

PiHKAL…

19 décembre 2010

Le LSD est venu à moi. Albert Hofmann

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Christophe Berdaguer et Marie Péjus, Double insu, 2010. Sans titre (Méthyl Celeritas, Calcium Lactate Pronarcolep), verre et médicaments, 20 cm x 5 cm, œuvre unique.

Les personnes qui pousuivent systématiquement une profonde auto-exploration en utilisant des états de conscience non-ordinaires, comme la méditation, la psychothérapie expérimentale, ou une utilisation responsable des psychédéliques, tendent à développer une vision (ou vue) distincte et unifiée d’eux-même et de la réalité. Stanislav Grof


Christophe Berdaguer et Marie Péjus, Jardin d’addiction, 2009, Verre, métal, parfums (alcool, cocaïne, herbe, opium).

Il s’apprêtait déjà à tourner le dos à cet ennuyeux spectacle, pour rentrer en suivant la galerie du Louvre, lorsque le vent lui apporta quelque chose : quelque chose de minuscule, d’à peine perceptible, une miette infime, un atome d’odeur et même moins encore, plutôt le pressentiment d’un parfum, qu’un parfum réel, et pourtant en même temps le pressentiment infaillible de quelque chose qu’il n’avait jamais senti. Voulant à tout prix posséder ce parfum, il étrangle la fille et lui arrache ses vêtements pour pouvoir « s’imprégner jusqu’à l’ivresse de son parfum ». Cette rencontre va donner un sens à sa vie : « il fallait qu’il soit un créateur de parfums. Et pas n’importe lequel. Le plus grand parfumeur de tous les temps ». Das Parfum, die Geschichte eines Mörders, Patrick Süskind, 1985.


Mathieu Briand, Route de montagne, 2009, ready-made, liquide, édition 1/2. In memorial of Albert Hofmann 1906 – 2008

J’aime Alexander Shulgin. C’est mon idole, mon héros, mon soleil, mon O2 (…). Il a créé plus de drogues psychédéliques en l’espace de cinquante ans que la jungle amazonienne depuis que le monde est monde. Il tient plus de la créature mythologique, du centaure chimique, que de la personne réelle. (…) the last interview with Sasha by Hamilton Morris

Malgré des milliers d’années d’utilisation spirituelle de plantes visionnaires dans les cultures indigènes partout sur la planète, les gouvernements modernes, avec très peu d’exceptions, ont tenté de réprimer l’utilisation de plantes et de substances chimiques ouvreuses-de-conscience en les classifiant, à côté de dangereux narcotiques et stimulants, comme créant une dépendance -ce qu’ils ne font pas- et comme n’ayant aucune valeur sociale. Ann Shulgin


Arnaud Maguet, Mind Garden, 2008, mind-expending plants, lights and watering systems, 3 waterproof loudspeakers, 3 CD players and wood variable dimensions, La Blanchisserie galerie.

L’idée que la « nature » est une construction sociale en perpétuel devenir pose toutefois un défi formidable à l’anthropologie : devons-nous restreindre nos ambitions à décrire de la manière la plus fidèle possible les conceptions spécifiques de leur environnement que des sociétés ont construites à des époques différentes, ou devons-nous chercher des principes d’ordre permettant de comparer la diversité empirique en apparence infinie des complexes de nature-culture ? Philippe Descola, Les cosmologies des indiens d’amazonie, la recherche.

Références:
Alexander Shulgin
PiHKAL
Viceland
Lucid state
Documents d’artistes
ANNE+ Art Project
Groupe d’Etudes Interdisciplinaires sur les Psychoactifs
Thèse de David Dupuis, Une ethnographie de la clinique Takiwasi. Soigner la toxicomanie avec l’aide des non-humains.

Tjukurpa…

31 mars 2010

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Nambassa 1981 Arnhemland and Torrest Strait dance company.

Après l’intermède Parisien du salon Chic dessin, programmé durant la semaine du dessin d’art contemporain (carrousel du Louvre), un petit bilan s’impose… En synthèse, les petites fourmis humaines s’affairent…

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Jivya Soma Mashe, « The Ant » cowdung and acrylic on canvas, 136 x 176 cm (53,5 x 69,3 in), India.

Le temps du rêve est le thème central de la culture des Aborigènes d’Australie. Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Selon leur tradition, des créatures géantes, comme le Serpent arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer ou du ciel et ont créé la vie et les paysages australiens. Leurs corps géants ont créé des fleuves et des chaines de montagne mais leur esprit est resté dans la terre, rendant la terre elle-même sacrée aux peuples indigènes. En 1788, l’Australie était peuplée par 250 tribus, occupant tout le continent, chacune avec sa propre langue, ses lois et ses frontières tribales : c’est la plus longue culture survivant sur terre. (…suite)

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Sexe, mort et sacrifice, dans la religion Mochica, commissariat : Steve Bourget, professeur associé du département Art et Histoire de l’art à l’Université du Texas, Austin. Image AL.

Cette compréhension des images se fonde sur 4 grands modèles iconologiques créés par l’Homme, au-delà de tout classement géographique ou chronologique, que ce soit en Afrique, dans l’Europe des XVe- XVIe siècles, dans les Amériques des Indiens d’Amazonie ou des Inuit d’Alaska, jusque dans l’Australie des Aborigènes. L’exposition dévoile ces 4 modèles – traduisant 4 grandes visions du monde – que sont le totémisme, le naturalisme, l’animisme et l’analogisme. Avec la Fabrique des images, le visiteur découvre les différents principes de déchiffrement selon lesquels les civilisations voient le monde et en rendent compte. Commissariat : Philippe Descola, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et professeur au Collège de France.

Références :
Blog Chic Dessin 2010
Ādivāsī ou aborigènes de l’Inde
Kyys
Identités Attikamekws, de Corentin Adolphy et Gaetan Saint-Remy, 52min, Arte.
Quai Branly, la fabrique des images.
Amateur d’Art par lunettes rouges