Archive pour le ‘Sculpture’ catégorie

Délok…

14 juin 2011

L’homme mérite qu’il se soucie de lui-même car il porte dans son âme les germes de son devenir. Carl Gustav Jung

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Ryan Mc Lennan, Monument, 2009, Acrylic and graphite on paper, 52 x 39 in.

Dans la vie, nous subissons une quantité de contraintes opprimantes qui se bousculent de telle sorte que l’on ne trouve plus le temps – en face de toutes ces « données » – de se demander qui les a au fond « données ». C’est de ces données que se libère le défunt, et l’enseignement a pour but d’appuyer sa libération.

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Ang Tsherin Sherpa, Staying alive – Too sexy to die, 2011, 48″x 36″, Acrylic and silver leaf on wood.

Si nous nous mettons nous-mêmes à la place du défunt, nous tirons autant de profit de l’enseignement, en apprenant dès le premier paragraphe que le donateur de toutes ces « données » nous habite nous-mêmes – vérité que l’on ne sait jamais, malgré toute son évidence dans les choses les plus grandes comme dans les plus petites, alors qu’il serait si souvent utile, voire indispensable, de la connaître.

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Seungyea Park, Monster, 2011, mixed Media, paper, 150 x 130 cm, Seoul.

Il est vrai qu’une telle science n’est bonne que pour les caractères méditatifs qui aspirent à comprendre ce qu’ils vivent, pour une sorte de gnostiques par tempérament, qui croient en un sauveur appelé – comme celui des Mandéens – « connaissance de la vie » (Manda d’Hayyê). Il n’est peut-être pas donné à un très grand nombre de voir le monde comme une « donnée ».

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Seungyea Park, Blind me not, 2011, mixed Media, paper, 150 x 130 cm, Seoul.

Il faut sans doute accomplir une grande conversion, qui exige beaucoup de sacrifices, pour voir de quelle manière le monde est « donné » par l’essence de l’âme. C’est tellement plus immédiat, plus frappant, plus impressionnant et partant plus convaincant de considérer de quelle manière cela m’arrive, au lieu d’observer comment je le produis.

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Kris Kuksi, Gemini, 2007, Mixed media assemblage, 33 x 33 x 7 in.

L’essence animale de l’homme répugne même à se concevoir comme l’auteur de ses données. C’est pourquoi des tentatives de cet ordre ont toujours été l’objet d’initiations secrètes comprenant en règle générale une mort figurée, laquelle symbolisait le caractère total de la conversion. Commentaire psychologique de Carl Gustav Jung, traduction Marguerite La Fuente, préface Jacques Bacot, Editions A. Maisonneuve, Paris, 1933.

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Ang Tsherin Sherpa, Cosmic Mandala, 2006, Ground Pigment and Gold on Cotton, 17″ x 17″.

L’extase et la peur. Les visions sont comme une toile tendue que l’on traverse sans cesse. L’extase ? Les crocodiles bijoux, à peine saisis par le mental, se retournent et deviennent d’immondes grouillements d’araignées. Se rendre à la peur. Ne pas la saisir. Se laisser traverser dans un frisson par elle reconnecte l’esprit et le corps, faisant jaillir de magnifiques visions, les deux faces. Je n’ai encore jamais vraiment réussi à traduire avec la pellicule ce passage d’un univers vers un autre. (…)

Sinon, je ne bouge pas de la nuit. Je ne bouge pas d’un petit doigt. Je ne tremble pas, recroquevillé telle une momie inca. Des êtres obscurs dansent autour de moi. Jan Kounen, Carnets de voyages intérieurs Ayahuasca medicina, Un manuel

Références:
Bardo Thödol
Thangka Art
Joshua Liner gallery

Onkalo…

25 avril 2011

Nous estimons que le pouvoir et la capacité de se rendre malade sont une caractéristique essentielle de la philosophie humaine. Georges Canguilhem

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Michel Madsen, Into eternity, 2011, 75min, a documentary on the safety of nuclear storage.

Face à ces incertitudes il est possible d’attendre que la connaissance progresse avant d’agir, ou encore d’essayer de trouver un futur plus probable et d’agir en fonction de ce futur. Ces deux attitudes sont dangereuses, d’autant plus que des possibilités de catastrophes sont possible, mais avec des probabilités faibles, ou que des conséquences irrévesibles ont lieu. Le principe de précaution stipule justement qu’il faut prendre en compte ces incertitudes et les inclure dans la décision. (…) Il est également admis que l’application du principe de précaution ne doit pas non plus fermer le futur et que les solutions choisies doivent permettre de changer d’avis lorsque l’incertitude diminue. (…suite article) Les problèmes environnementaux globaux: Décision sous incertitude. Patrice Dumas

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Eugenio Merino, 2008, A una patada de la extincion, poliester, fiberglass, enamel.

Si la force immanente à la vie était une force illimitée, elle eût peut-être développé indéfiniment dans les mêmes organismes l’instinct et l’intelligence. Mais tout paraît indiquer que cette force est finie, et qu’elle s’épuise assez vite en se manifestant. Il lui est difficile d’aller loin dans plusieurs directions à la fois. (La vie aurait donc en elle une force et un élan, un moteur et une direction). L’idée est que l’évolution est imprévisible, que “le monde va à l’aventure”, qu’il “s’invente sans cesse” sans que le chemin qu’il trace derrière lui ne préexiste au voyage, d’une façon ou d’une autre. L’Évolution Créatrice, Henri Bergson.

Chamane en transe, Mongolie, 1934

Femme-qui-change donna naissance aux deux Jumeaux, Tueur de Monstres conçu avec le Soleil et Né de l’Eau, conçu par la pluie. Les deux jumeaux ignorent leur filiation paternelle et se mettent en quête de la trouver, après des épreuves terribles. Le Soleil finalement les reconnait et leur fait cadeau de la médecine et des armes nécessaires pour débarasser la terre de ses monstres. Emerge alors le peuple des hommes médecines. Femme-qui-change, qui, sans cesse passe, de la jeunesse à la vieillesse reconquiert alors sa beauté et une éternelle jeunesse. (…Suite texte) Peuple Navajo, La mystérieuse voie du projectile.

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Edward S. Curtis, A Cree girl, The garment here illustrated is a robe of twined strips of rabbit-fur. 1926

    Silencieuse jusqu’au dégel
    Son nom raconte comment
    cela se passait avec elle.
    La vérité est qu’elle ne parlait pas en hiver.
    Chacun avait appris à ne pas
    lui poser de questions en hiver
    une fois connu ce qu’il en était.
    Le premier hiver où cela arriva
    Nous avons regardé dans sa bouche pour voir
    si quelque chose avait gelé
    Sa langue peut-être ou quelque chose d’autre au-dedans.
    Mais après le dégel, elle se remit à parler
    Et nous dit que c’était merveilleux ainsi pour elle.
    Ainsi, à chaque printemps
    Nous attendions, impatiemment.
    Poème Indien Cree, Samuel Makidemewabe, Swampy Cree du Canada.

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Shane McInnes, a Kakapo, a flightless parrot from New Zealand, The World’s Rarest Birds 2011.

Des années d’amour ont été effacées par la haine d’une seule minute. Edgar Allan Poe


Human Mammal, Human Hunter – Attenborough – Life of Mammals – BBC

Références:
Onkalo

Hozho…

16 avril 2011

Je suis un homme-singe, l’homme est un singe comme les autres. Volker Sommer

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Franz Xaver Messerschmidt, L’homme de mauvaise humeur, tête de caractère - Musée du Louvre.

L’artiste se disait persécuté par des esprits qui le faisaient souffrir moralement et physiquement, notamment dans le bas-ventre et les cuisses. Il se regardait dans un miroir, se pinçait le corps en faisant diverses grimaces. Avec celles-ci, il entendait changer les expressions de son visage de manière à devenir maître de l’esprit des proportions qui le tourmentait. Friedrich Nicolai à propos de Franz Xaver Messerschmidt

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Michael Landy’s, Art Bin, a giant container for the disposal of works of art at the South London Gallery, January 2010

On ne peut battre son adversaire que par l’amour et non la haine. La haine est la forme la plus subtile de la violence. La haine blesse celui qui hait, et non le haï. En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre, en surface comme en profondeur. Etes-vous hindouiste ? Oui je le suis. Je suis aussi un chrétien, un musulman, un bouddhiste et un juif. Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l’air d’être vivants et pourtant il leur manque la vie de l’être en chair et en os. Vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre. Gandhi

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Jack Nicholson / Jack Torrance, All work and no play makes Jack a dull boy, Shining (The Shining), Stanley Kubrick, 1980.

Ces figures de l’ordre sont inséparables de l’irruption du désordre, qui vient bousculer les plus belles ordonnances. Ce qui se joue chez Kubrick, c’est le conflit entre la raison et la passion, cette invasion des pulsions refoulées qui se cachent sous le vernis de l’homme civilisé. (…) Le plus souvent, c’est une caméra à la main tenue par Kubrick lui-même ou la Steadicam qui exprime la confusion, le déséquilibre ou le chaos. (… suite article), Michel Ciment.

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Overlook Hotel, July 4th Ball 1921, Shining (The Shining), Stanley Kubrick,1980.

J’ai une certaine faiblesse pour les criminels et les artistes; ni les uns ni les autres ne prennent la vie comme elle est. Toute histoire tragique doit être en conflit avec les choses comme elles sont. Stanley Kubrick

Chant Navajo pour apaiser la colère d’un ennemi

    Abandonne tes pieds au pollen.
    Abandonne tes mains au pollen.
    Abandonne ta tête au pollen.
    Alors tes pieds sont le pollen,
    ton esprit est le pollen,
    ta voix est le pollen.
    La piste est belle.
    Sois tranquille.

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Curtis, Edward S, A Navaho smile, 1904.

La voie de la beauté, La voie de l’ennemi, la voie de la bénédiction et beaucoup d’autres, ont chacune vocation à être conduite par un « hataali » (littéralement « chanteur », incorrectement traduit par « shaman »). Les hommes-medecine navajo recoivent une initiation très jeune. Ils doivent apprendre à maitriser la Voie de la Bénédiction et son opposée, la Voix de l’Ennemi. Une cérémonie importante est celle de la Kinaaldá , liée à la Voie de la Beauté. Elle est destinées aux jeunes filles, pour les accompagner à l’époque de la puberté, « les rendre plus fortes, indépendantes d’esprit » dit le chanteur Sam Begay. La cérémonie dure une journée, et permet à la jeune fille d’aborder son nouveau statut de femme avec confiance. Société matrilinéaire, la femme a une place privilégiée au sein du peuple Navajo. Un Navajo appartient au clan de sa mère, étant seulement « né pour » celui de son père.

La voie de l’Ennemi ne peut se pratiquer hors des frontières de la Nation Navajo, pendant l’été. Actuellement, elle est prodiguée aux soldats revenant d’Irak. « Si votre esprit à reçu l’ordre de tuer, il est imprégné de cet ordre, et il faut l’extraire » explique le Docteur Alvord. Dans cette voie, 2 jeunes femmes Bispali et Glispah sa soeur cadette sont données en butin aux vainqueurs d’une bataille, deux vieillards capables de prendre l’apparence de la jeunesse et de la beauté. Les deux jeunes filles vont s’enfuir : Bispali à l’ouest deviendra l’héroïne de la voie de la Montagne et Glispah à l’Est, celle de la voie de la Beauté.

Nommée aussi voie du serpent, la voie de la Beauté conte les aventures de Glispah au pays souterrain du peuple Serpent. Elle va apprendre à contrôler les forces de la fécondité, à la suite de multiples aventures. Mariée à l’Homme Serpent, elle reviendra sur terre pour enseigner aux hommes la voie de la Beauté, puis retournera vivre parmi le peuple serpent. Elle règne sur les nuages, la pluie, la végétation.

Références:
Hozho
Blackfire, groupe Navajo
Arizona dream
Nation Navajo
Editions Nuage Touge

Ukiyo-e…

19 mars 2011

Il y a trois bombes. La bombe atomique, la bombe démographique et la bombe de l’information. Albert Einstein

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Hokusai Katsushika, La Grande Vague de Kanagawa (1831), première des 46 estampes composant les 36 vues du mont Fuji.

Le temps déferle littéralement sur nos têtes. Nous en concevons une obscure inquiétude. A rester trop immobiles dans nos convictions, pensons-nous, nous risquerions de manquer quelque chose de la course du monde. La religion de la vitesse qui nous assiège transporte avec elle un « trop-plein » de réel. Pour éviter d’être submergé nous n’avons d’autre recours que de nous dépêcher toujours plus. Nous finissons par faire de la vitesse elle-même le symbole de l’innovation, de la réussite et du bonheur humain. (…suite article) Paul Virilio, Le critique de la vitesse, Nouvel obs, 18/08/10.

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Gisela & Manfred Delpho, A « Royal Fisher » at the winter hunt, Flying up.

(…) La nature favorise l’expertise locale. Conséquemment, les espèces s’adaptent graduellement et définissent leurs spécialités, les niches dans lesquelles elles peuvent le mieux se tirer d’affaire. Si les ressources étaient abondantes dans les forêts tropicales, ces spécialistes n’existeraient pas. Les espèces qui croissent plus vite en consommant plus de ressources les domineraient rapidement et la forêt serait peuplée de quelques ilôts de monoculture. Les limites sont, en fait, la source des innovations dans la nature. Chaque stade de développement atteint sa limite, laissant place à la créativité. Si une innovation est adéquate pour relever le défi des limites, l’écosystème en tire profit. (…suite article), Biomimétisme, Encyclopédie de l’agora, 11/02/06.

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Gisela & Manfred Delpho, A « Royal Fisher » at the winter hunt, Noisedive.

Il faut y voir la métaphore d’une espèce de folie anthropologique. Le monde n’est plus qu’un perpétuel empressement. On assiste, écrit Virilio, à la « conjonction de plus en plus forte, étendue à l’ensemble de l’espèce humaine, entre les deux séries de phénomènes : des transmissions d’informations, à la vitesse de la lumière, et des transports réels . (…suite article) Paul Virilio, Le critique de la vitesse, Nouvel obs, 18/08/10.

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Olaf Brzeski, Dream – Spontaneous Combustion, 2008, resin, soot, approx. 175 cm h, East International, Norwich.

L’accident ici nous dépasse. Nous assistons à ce que j’appelle des événements « révélationnaires » : ils révèlent ce que nous ne maîtrisons pas. La notion de progrès sert à nier cela, puisque dire « progrès » c’est dire que c’est mieux. Or, la réussite devient catastrophique, c’est inouï. (…suite article) Paul Virilio, Notre puissance se retourne contre nous, Science et avenir, 17/03/11.

La nature est un professeur, pas un fournisseur et le biomimétisme commence en sortant de chez soi, avec la capacité à observer et à s’émerveiller ! , Janine Benyus.

Références:
Ukiyo-e
Biomimétisme
Ask nature
Biomimicry institute
Czarna galeria
Musée des accidents
Tour du monde en 80 hommes

Yáahl…

8 mars 2011

Qui n’entend corps-vidé ? Vidé pour être réceptif à l’Idée.

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Susanna Majuri, Raven, 2009, C-print on Diasec, 100 x 150 cm.

Je suis le corps des lumières, le support du dépôt des secrets, le lieu de la qualité et de la quantité, la cause de la joie et de la peine, je suis le commandant et le commandé. Les sens et le sensible m’appartiennent », chante Ibn’Arabi

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Bill Reid, The Raven and the First Men, 1980, cèdre jaune, lamellé et sculpté, 1,88 m de hauteur x 1,92 m de diamètre, MOA UBC, Vancouver, Canada.

Selon les légendes haïdas, les premiers humains sont sortis d’un gigantesque coquillage échoué sur la plage de la pointe Rose. Ils sont venus au monde grâce au Corbeau, créature la plus puissante des temps mythiques. Le Corbeau se promenait sur la plage lorsqu’il entendit du bruit qui provenait d’un coquillage entrouvert. S’approchant, il vit que le coquillage était plein de petites créatures humaines. Les petits êtres semblaient terrifiés par le Corbeau et par le vaste monde qui s’étendait aux alentours.

nullLouis Moe, Faun med tamborin, Lys mål 20 x 21 cm Opus 29 nr 129.

Alors le Corbeau approcha sa large tête du coquillage, et de cette langue habile qui lui avait valu tant d’aventures et tant de mésaventures au long de sa vie de filou, réussit, par la ruse, la force et la cajolerie, à persuader les petits êtres de sortir jouer dans son monde tout neuf, si gai et si brillant. Bill Reid, artiste Haïda.

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Men in ceremonial regalia. Two men (left, third from left) wear a mask. (seule photo connue de chamans haïdas (sah-gah) portant des masques), Edward Dossetter, Masset, 1881.

Chez les Haïdas, l’art était omniprésent. L’art ne faisait qu’un avec la culture. L’art était notre seule langue écrite. Tout au long de notre histoire, l’art a assuré la survie de nos esprits. Robert Davidson, artiste Haïda.

Références:
Helsinki school
Langue Haïda