Archive pour le ‘Pollution’ catégorie

La merde…

3 novembre 2010

La vie est sens et non-sens ou elle possède sens et non-sens. J’ai l’espoir anxieux que le sens l’emportera et gagnera la bataille. Carl Gustav Jung


Piero manzoni, Merda d’Artista,1961

Là ou ça sent la merde
ça sent l’être.
L’homme aurait très bien pu ne pas chier,
ne pas ouvrir la poche anale,
mais il a choisi de chier
comme il aurait choisi de vivre
au lieu de consentir à vivre mort.

C’est que pour ne pas faire caca,
il lui aurait fallu consentir
à ne pas être,
mais il n’a pas pu se résoudre à perdre
l’être,
c’est-à-dire à mourir vivant.

Il y a dans l’être
quelque chose de particulièrement tentant pour l’homme
et ce quelque chose est justement
LE CACA.

Pour exister il suffit de se laisser aller à être,
mais pour vivre,
il faut être quelqu’un,
pour être quelqu’un,
il faut avoir un os,
ne pas avoir peur de montrer l’os,
et de perdre la viande en passant.

L’homme a toujours mieux aimé la viande
que la terre des os.
C’est qu’il n’y avait que de la terre et du bois d’os,
et il lui a fallu gagner sa viande,
il n’y avait que du fer et du feu
et pas de merde,
et l’homme a eu peur de perdre la merde
ou plutôt il a désiré la merde
et, pour cela, sacrifié le sang.

Pour avoir de la merde,
c’est-à-dire de la viande,
là où il n’y avait que du sang
et de la ferraille d’ossements
et où il n’y avait pas à gagner d’être
mais où il n’y avait qu’à perdre la vie.

o reche modo
to edire
di za
tau dari
do padera coco

Là, l’homme s’est retiré et il a fui.

Alors les bêtes l’ont mangé.

Ce ne fut pas un viol,
il s’est prêté à l’obscène repas.

Il y a trouvé du goût,
il a appris lui-même
à faire la bête
et à manger le rat
délicatement.

Et d’où vient cette abjection de saleté ?

De ce que le monde n’est pas encore constitué,
ou de ce que l’homme n’a qu’une petite idée du monde
et qu’il veut éternellement la garder ?

Cela vient de ce que l’homme,
un beau jour,
a arrêté
l’idée du monde.

Deux routes s’offraient à lui :
celle de l’infini dehors,
celle de l’infime dedans.

Et il a choisi l’infime dedans.
Là où il n’y a qu’à presser
le rat,
la langue,
l’anus
ou le gland.

Et dieu, dieu lui-même a pressé le mouvement.

Dieu est-il un être ?
S’il en est un c’est de la merde.
S’il n’en est pas un
il n’est pas.
Or il n’est pas,
mais comme le vide qui avance avec toutes ses formes
dont la représentation la plus parfaite
est la marche d’un groupe incalculable de morpions.

“Vous êtes fou, monsieur Artaud, et la messe ?”

Je renie le baptême et la messe.
Il n’y a pas d’acte humain
qui, sur le plan érotique interne,
soit plus pernicieux que la descente du soi-disant Jésus-Christ
sur les autels.

On ne me croira pas
et je vois d’ici les haussements d’épaules du public
mais le nommé christ n’est autre que celui
qui en face du morpion dieu
a consenti à vivre sans corps,
alors qu’une armée d’hommes
descendue d’une croix,
où dieu croyait l’avoir depuis longtemps clouée,
s’est révoltée,
et, bardée de fer,
de sang,
de feu, et d’ossements,
avance, invectivant l’Invisible
afin d’y finir le JUGEMENT DE DIEU.

Antonin Artaud
Pour en finir avec le jugement de dieu / 1948


Wim Delvoye, Cloaca Faeces (Vienna), 2001, 21 x 17,2 x 4,5 cm, vacuum-packed Cloaca Faeces, plexi.

Références:
Vidéo texte lu Antonin Artaud
Marcel Duchamp
Ready-made

L’attrape-rêves…

18 octobre 2010

Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l’avenir. Horace

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Gif animé © AL
He Wishes For The Cloths Of Heaven, William Butler Yeats

Lui qui aurait voulu pouvoir offrir le ciel

Si je pouvais t’offrir le bleu secret du ciel
Brodé de lumière d’or et de reflets d’argents
Le mystérieux secret, le secret éternel
De la nuit et du jour, de la vie et du temps
Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds
Mais tu sais je suis pauvre et je n’ai que mes rêves
Alors c’est de mes rêves qu’il faut te contenter
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves

(Traduit de l’anglais par Keyvan Sayard)

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Krackzeby, 2008-2009, photographie de Adam Pańczuk

Références:
Carpe diem
Asubakatchin – Attrapeur de rêves

Orgone…

13 septembre 2010

L’homme est un animal politique parce qu’il est un animal littéraire, qui se laisse détourner de sa destination “naturelle” par le pouvoir des mots. (Le Partage du sensible, p. 63) Jacques Rancière

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Happy accidents 2 mars-1 (aka Mario Martinez)

Du point de vue philosophique, l’orgone est le mot qui donne substance à l’idée que l’on se fait de la vie comme totalité, globalité, sans fixation particulière et qui donne cependant mouvement à tout, comme ensemble et somme d’individualités, comme particularité et singularité à la fois, comme moyen d’individualité intégré à un tout, étant ce tout et cette individualité liés, comprenant ce tout, d’une part, sous sa forme de persistant, d’incoercible éternité et d’autre part, l’individualité dans la forme du temporaire, de l’éphémère, de la réalité du tout dans sa manifestation particulière et singulière. C’est en ceci que l’orgone ne se manifeste que par son énergie, car nul ne peut appréhender le tout sans s’y perdre, sans s’y déliter, c’est à dire perdre sa particularité, sans rejoindre le tout !

Rien n’est poison, tout est poison: seule la dose fait le poison. Paracelse

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Celui qui a absorbé le champignon est paisiblement assis, il se balance doucement d’un coté à l’autre, il prend part à la conversation familiale. Soudain ses yeux se dilatent, il commence a gesticuler convulsivement, parle avec un partenaire invisible, chante et danse. Puis survient une nouvelle période de calme raconte Albert Hofmann.

J’essaie de promouvoir un certain mode de compréhension de nous-mêmes qui pourrait s’avérer utile si nous voulons survivre longtemps encore sur cette planète. Carsten Höller

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Giant Triple Mushrooms, Carsten Höller, Garage Center for Contemporary Culture, Moscou.

La vie est partout, car l’orgone est partout, et inversement. Le rien n’existe pas pour la vie, l’absence absolue est une idée de l’esprit humain, non pas de la vie libre, de l’orgone. C’est pour cela que l’orgone ne peut qu’exister et c’est en cela que son concept, « l’idée de l’idée » de l’orgone, présente un intérêt infini, car il tâte du vivant, du mort en tant que transformation du vivant, du mort en tant que moment du vivant dans son ensemble, et moment absolu du vivant en tant qu’individualité manifeste. L’orgone, et son concept, font peur, tout comme la vie, car chacun détient justement cette globalité qui est submergeante et devant laquelle l’humain ne peut rien, absolument rien, car elle le dépasse, car la vie le dépasse ; sinon que de la tuer quand il ne supporte plus ce dépassement. Tout au plus peut-il rassurer son angoisse existentielle en spéculant sur ce vivant, mais pas sur l’existence de ce vivant, lorsqu’ il oublie qu’il est vivant et que la vie est aussi de se laisser aller à elle, de suivre son cours. © Acorgone

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Core.form-ula plateform.

« tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commandes seraient d’utiles vérités ; le genre humain n’en resterait pas moins partagé entre deux classes : celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient. Celle des maîtres et celle des esclaves. » Condorcet, Avril 1792, « l’organisation générale de l’instruction publique »

Incultures…

14 juillet 2010

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Bill Durgin, « figure studies » series. Laight-5, 30 x 38 inches, C-Print, Edition of 8.

Une journée entière. Je suis sorti de là : je n’avais pas posé une seule question. Je n’ai pas compris ce qui s’est passé. J’ai compris après. J’ai compris des années après, ce qui s’était passé.

Ce qui s’était passé, c’est que Mademoiselle Faure voulait savoir si j’étais du côté de la vérité ou du mensonge. Si elle avait pu soupçonner un seul instant que j’étais du côté de la vérité – de «LA Vé-ri-té», (la vérité officielle), la vérité avec un grand Q – et que j’allais mettre ce qu’elle allait accepter de me confier dans la vérité culturelle officielle… elle ne m’aurait rien dit. C’est uniquement quand elle a été certaine que j’étais un menteur, que j’étais du côté de la contre-vérité, qu’elle a accepté de me raconter son histoire. Franck Lepage, Incultures – Tome 1, L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu… ou Une autre histoire de la culture, Cerisier, 2007.

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Glastonbury festival, juin 2010. (D. Martinez / Reuters)

Vous avez dit aux gens que c’était la « Onzième Heure ».
Maintenant vous devez revenir auprès d’eux et leur dire que l’heure est venue,
Et qu’il y a des choses qui doivent être considérées :
Où vivez-vous, que faites-vous ?
Quelles sont vos relations, êtes-vous dans une relation juste ?
Où est votre eau, votre jardin ?
Le temps est venu de dire votre vérité,
De créer votre communauté.
Soyez bons les uns envers les autres,
Et ne cherchez pas le guide à l’extérieur de vous-mêmes.
Ce pourrait être le bon moment.

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Rich Matthews, Gulf of Mexico south of Venice, La., June, 2010. Eric Gay/Associated Press

La rivière coule maintenant très vite.
Elle est si puissante et rapide que certains prendront peur.
Ils essaieront de s’accrocher au rivage.
Ils se sentiront déchirés et ils souffriront grandement.
Sachez que la rivière a sa destination.

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Eric Gay/Associated Press

Les Anciens disent que nous devons lâcher le rivage,
Et nous lancer au milieu de la rivière,
Garder nos yeux ouverts et nos têtes hors de l’eau.
Regardez qui est là avec vous et réjouissez-vous.
En ces temps-ci de l’histoire, nous ne devons rien prendre trop au sérieux,
Et encore moins nous mêmes.
Car au moment où nous le faisons, notre croissance spirituelle et notre voyage s’arrêtent.
Le temps du loup solitaire est terminé.
Réunissez vous.
Bannissez le mot « lutte » de votre attitude et de votre vocabulaire.
Tout ce que nous faisons maintenant doit être fait de manière sacrée et dans la joie.

Nous sommes ceux que nous attendions. Prophéties des Hopis

Références :
Franck Lepage
Merge gallery
Hopis

Agents énigmatiques…

9 juin 2010

Un milieu vécu optimal (ce que le sujet peut) dans un environnement pessimal (l’infinité indiscernable de la nature). Jakob von Uexkül


Crested black macaque, photo stories by Stefano Unterthiner

Les recherches de Uexküll sur le milieu animal sont contemporaines de la physique quantique et des avant-gardes artistiques. Comme celles-ci, elles expriment l’abandon sans réserves de toute perspective anthropocentrique dans les sciences de la vie et la radicale déshumanisation de l’image de la nature. Là où la science classique voyait un monde unique, qui comprenait à l’intérieur de lui-même toutes les espèces vivantes hiérarchiquement ordonnées, des formes les plus élémentaires jusqu’aux organismes supérieurs, Uexküll suppose au contraire une infinie variété de mondes perceptifs, tous également parfaits et liés entre eux comme sur une gigantesque partition de musique, quoique non communicants et réciproquement exclusifs, et au centre desquels se tiennent de petits êtres à la fois familiers et lointains.


Lycaons, My most beautiful holiday’s pictures, Vol. 2″ de Berfak Kinken

« les corps ne se définissent pas par leur genre ou leur espèce, par leurs organes et leurs fonctions, mais par ce qu’ils peuvent, par les affects dont ils sont capables, en passion comme en action. Vous n’avez pas défini un animal tant que vous n’avez pas fait la liste de ses affects. En ce sens, il y a plus de différences entre un cheval de course et un cheval de labour qu’entre un cheval de labour et un bœuf. » Gilles Deleuze

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Crested black macaque, photo stories by Stefano Unterthiner

Art de la composition de rapports, agencement de relations extérieures au sujet en mode point contrepoint, mondes animaux et cartographie des affects, puissance et limite plutôt que forme et contour, etc. Les points de rencontre et de résonance semblent nombreux. L’un d’entre eux concerne l’absence d’intériorité autonome du sujet. Pour l’auteur, l’intérieur n’est qu’un extérieur sélectionné, l’extérieur, un intérieur projeté.

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Impalas, My most beautiful holiday’s pictures, Vol. 2″ de Berfak Kinken

Autrement dit, les relations sont extérieures au sujet qui les ordonne, elles sont dans le milieu, le temps et l’espace vécus. Autre point prégnant, la récusation sans cesse réaffirmée de toute forme d’anthropomorphisme: «notre premier soin doit donc être de dégager l’examen des milieux de toute forme erronée de finalité. […] Trop souvent nous nous imaginons que les relations qu’un sujet d’un autre milieu entretient avec les choses de son milieu prennent place dans le même espace et dans le même temps que ceux qui nous relient aux choses de notre monde humain. Cette illusion repose sur la croyance en un monde unique dans lequel s’emboîteraient tous les êtres vivants. (… suite du texte) Vision transverse : de l’éthique à l’éthologie

Références :
Éthique
Éthologie