Archive pour le ‘Poésie’ catégorie

Ratiocination…

15 février 2011

Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Charles Baudelaire

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Anonyme, Photographie spirite (homme debout en extérieur et spectre d’Indien) vers 1910, épreuve argentique, H. 0.14 ; L. 0.098, musée d’Orsay, Paris, France

Nous avions atteint le sommet du rocher le plus élevé. Le vieux homme, pendant quelques minutes, sembla trop épuisé pour parler.
— Il n’y a pas encore bien longtemps, — dit-il à la fin, — je vous aurais guidé par ici aussi bien que le plus jeune de mes fils.

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Mais, il y a trois ans, il m’est arrivé une aventure plus extraordinaire que n’en essuya jamais un être mortel, ou du moins telle que jamais homme n’y a survécu pour la raconter, et les six mortelles heures que j’ai endurées m’ont brisé le corps et l’âme. Vous me croyez très-vieux, mais je ne le suis pas.

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Il a suffi du quart d’une journée pour blanchir ces cheveux noirs comme du jais, affaiblir mes membres et détendre mes nerfs au point de trembler après le moindre effort et d’être effrayé par une ombre. Savez-vous bien que je puis à peine, sans attraper le vertige, regarder par-dessus ce petit promontoire.

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Le petit promontoire sur le bord duquel il s’était si négligemment jeté pour se reposer, de façon que la partie la plus pesante de son corps surplombait, et qu’il n’était garanti d’une chute que par le point d’appui que prenait son coude sur l’arête extrême et glissante, — le petit promontoire s’élevait à quinze ou seize cents pieds environ d’un chaos de rochers situés au-dessous de nous, — immense précipice de granit luisant et noir.

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Pour rien au monde je n’aurais voulu me hasarder à six pieds du bord. Véritablement, j’étais si profondément agité par la situation périlleuse de mon compagnon, que je me laissai tomber tout de mon long sur le sol, m’accrochant à quelques arbustes voisins, n’osant pas même lever les yeux vers le ciel. Je m’efforçais en vain de me débarrasser de l’idée que la fureur du vent mettait en danger la base même de la montagne. Il me fallut du temps pour me raisonner et trouver le courage de me mettre sur mon séant et de regarder au loin dans l’espace.

Une descente dans le maelstrom, Edgar Allan Poe, Histoires extraordinaires, traduction Charles Baudelaire, 1869.


Illustrations de Harry Clarke

Faut-il partir ? Rester ? Si tu peux rester, reste ; Pars, s’il le faut… Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ! Charles Baudelaire

Références:
Ratiocination
Grandmas graphics

Zeitgeist…

2 février 2011

La vie doit être un mystère à vivre et non un problème à résoudre. Ghandi

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Suha Derbent, Tigre de Sibérie.

LES RICHES SONT TOUT LE TEMPS EN TRAIN D’HÉRITER ET DE NOUS VOLER, NOS HEURES, NOTRE VIE. Au lieu de tous ces poteaux Michelin contre les accidents, dont on se fout bien, LE CONVENABLE” VOUDRAIT VOIR PLACER PARTOUT DES PANCARTES “SALUTAIRES”, sur les plages, les landes, dans les bois…“miteux ne t’endors pas, ne jouis pas, pense à ton travail, à la rentrée, à tes dettes !” “ Fainéant, ne te saoule pas, ne baise pas, souviens-toi que tu es indigne de toute distraction !”


Westley Hargrave / Sergey Bidun, tigre blanc du Bengale élevé dans le parc d’attraction Six Flags Discovery Kingdom Zoo de Vallejo, près de San Francisco.

“ NE VAS PAS TE BAIGNER, SALIR POLLUER L’EAU, COCHON DE PAUVRE ! UNE ÉPONGE DOIT TE SUFFIRE !” (“ RIEN DE CE QUE TU VOIS NE T’APPARTIENT ! TON REGARD SOUILLE TOUT ! FEMMES, BÊTES ET CHOSES !”) “ L’HOMME DIGNE SE RECONNAÎT À SON COMPTE EN BANQUE ! TOUT LE RESTE EST IMPOSTURE !” (Question des amphitryons, réforme encore, et urgente, il faudrait qu’ils se débarrassent de leurs invités “économiquement faibles” avec éclat… ) “Foutez le camp, crasseux, méchants clowns ! vous nous soulevez le coeur !” (et bien entendu on les fouetterait pour qu’ils décampent plus vite ! et les enfants riches seraient dressés à les couvrir d’immondices ! “au travail, ignobles !” le mot de la fin de ces soi-disant détentes… Tout est à faire ! [...] »)

LES RICHES SONT TOUT LE TEMPS EN TRAIN D’HÉRITER ET DE NOUS VOLER, NOS HEURES, NOTRE VIE, LEURS ENFANTS DE NOUS COUVRIR D’ORDURES ET DE NOUS FAIRE VOIR CE QUE PENSENT LEURS PARENTS, HAINE ET MÉPRIS… (la malice avec eux est de se taire,) s’ils vous engraissent, c’est pour les murènes… d’ailleurs LES PAUVRES NE SONT QUE DES PRIMATES DÉÇUS, TOUT AUSSI FÉROCES, DÉGUEULASSES QUE LES RICHES…
(extrait correspondance littéraire pdf (page 18)), 23 juillet 1959, entre Louis-Ferdinand Céline et Roger Nimier). Texte cité par Denis Lavant, Ce soir ou jamais émission du 31/01/11.


« Zeitgeist: Moving Forward » (Aller de l’avant), 2:41:25, documentaire de Peter Joseph.

Dans une société décadente, l’Art, si il est véritable, doit aussi refléter ce déclin. Et à moins qu’il ne veuille briser la foi dans sa fonction sociale, l’Art doit montrer le monde comme ouvert au changement. Et aider à le changer. Ernest Fisher


Une idée de Thomas Lebrun, collection revue.

Références:
Zeitgeist
Prosélytisme
Propagande
Timon d’Athènes
Deviantart

Voyelles…

18 janvier 2011

Je cheminais toujours sans autre dessein que de le suivre, mais tellement ravi d’avoir trouvé un homme, que je n’osais détourner les yeux de dessus lui, tant j’avais peur de le perdre. Cyrano de BergeracHistoire comique des etats et empires du soleil

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Matthew Cusick, Geronimo, 2007, Maps and atlas pages on wood panel. 30 x 24 inches

Quand le dernier arbre aura été abattu
Quand la dernière rivière aura été empoisonnée
Quand le dernier poisson aura été péché
Alors on saura que l’argent ne se mange pas.
Go Khla Yeh, Homme-médecine Apache

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Robert & Shana ParkeHarrison, Summer Arm, 2007. x. 27 x 21 inch Archival print, edition of 20. Signed, titled, dated, and numbered in pencil verso

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

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Le voyage alchimique 7, Notre-Dame de Paris, 96mn, de Georges Combe, avec Patrick Burensteinas.

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Arthur Rimbaud, Voyelles (1871)

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Julie Evans, Smoking medallion, 2010, acrylic, gouache, colored pencil, mineral and lac pigments on paper, 18 x 15″

Nous ne voyons jamais les choses telles qu’elles sont, nous les voyons telles que nous sommes. Anaïs Nin

Références:
Nous les dieux
Langue des oiseaux
Amerwiki

Analemmatics…

14 janvier 2011

Pour « changer la vie », il faudrait commencer par changer la vie politique. Pierre Bourdieu

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Robert & Shana ParkeHarrison, Winter Arm, 2008. x. 21 x 21 inch Archival print, edition of 20. Signed, titled, dated, and numbered in pencil verso.

Chaque oeuvre, absolument inédite, découle d’une «possibilité de monde» imaginée par Gilles Barbier (le Monde en forme de Tong, le Monde Motte de terre, le Monde comme une Maison sur un arbre, le Monde en forme d’Histoires tissées, le Monde « Peanut »…). Comme pour les grands mythes fondateurs (judéo-chrétien, Big-Bang, monde quantique, légendes indiennes…), chacune des histoires inventées par l’artiste donne une forme et une cohérence à un monde potentiel. Toutes ont été construites selon une procédure logique. (…)


Txema Yeste, La Viuda, 2004

Dans la pratique, lorsque le nombre de « trous » ou de « bogues » atteint une taille critique, il faut remettre en cause le mythe créateur et créer un nouveau système… Et cela n’est pas sans danger ; Galilée quand il déclare que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, Darwin lorsqu’il affirme que l’homme descend du singe et non d’Adam, Einstein lorsqu’il invente la théorie de la Relativité ou les premiers artistes de l’abstraction ou du monochrome… Tous peuvent en témoigner !

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Tatiana Plakhova, Chaos and structure, Northern Circles, 2010.

Toutefois, grâce à la science-fiction et à l’avènement des mondes virtuels, à la théorie de l’information, aux techniques de modélisation ou encore aux travaux philosophiques sur la pluralité des mondes, nous avons désormais les outils conceptuels et théoriques, mais surtout l’aise de faire de la forme du monde un espace poétique et parfaitement libre, indifférent à toute vérité définitive. (suite…) texte de l’exposition, There is no Moon without a Rocket.

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Gilles Barbier, The Dark Matter, 2010, gouache sur papier, 123 x 189 cm.

Je préfère me débarrasser des faux enchantements pour pouvoir m’émerveiller des vrais miracles. Pierre Bourdieu

Références:
Méridienne
Galerie Vallois
We find Wildness

Mitakuye Oyasin…

13 décembre 2010

Respectez, aimez et honorez la vie ; soyez humbles ! Archie Fire Lame Deer, Homme-médecine sioux, tradition Lakota.


Stella Hamberg, le compagnon, 2008, Bronze, patinated, 114 x 90 x 96 cm

Extrait 3 : Si l’on pouvait résumer quelques uns des axes de réflexion, quelques unes des passerelles qu’il doit être possible d’établir entre la culture Kogis et nos sociétés, j’en retiendrais six…


Lucas Simões, Réquiem, Des(z)retrato [unportrait] 2010, 10 cut-out photos and acrylic, 41x31cm.

1. Chaque individu doit être reconnu comme faisant partie d’un tout. Chez les Kogis, à travers sa fonction, son rôle par rapport à la communauté, chacun a sa place. À ce titre, chacun a droit à la parole. Dans une telle société, il ne peut pas y avoir d’exclus ; pour fonctionner de manière équilibrée, le système a besoin de l’ensemble de ses composantes, même celles qui ne seraient pas forcément dans la norme, puisqu’elles renseignent le système sur la norme. Cette reconnaissance et le respect associé sont fondateurs de l’identité de chaque membre de la communauté. Chaque partie du système me reconnaît comme étant une partie nécessaire pour le fonctionnement du tout.


Hamatsa ritualist, 1914, Edward_S._Curtis.

2. La notion de faute, présente dans les sociétés occidentales, est totalement inexistante. Il s’agit plus de déséquilibres physiques, psychologiques, sociaux, qui, une fois rétablis ne sont pas portés comme des sentences tout au long d’une vie.


Gaa-binagwiiyaas, Chief John Smith of Cass Lake. Courtesy of the MNHS.

3. Le monde est compris comme un tout vivant et fragile dont les composantes sont en permanente interaction, ce qui oblige chacun à se sentir responsable de l’ensemble. Ce sont les liens de l’expérience sacralisée qui réunissent l’ensemble et lui donnent sens. Ce monde ne sépare pas, il réunit. La nature entière y est incluse : animaux, maïs, fleurs, nuages, pierres… Quand les Kogis se présentent en disant “Nous sommes des Kagabas…”, c’est à cet ensemble, ce tout, qu’ils font référence.


Lead pencil Studio, Annie Ham & Daniel Mihalyo, Architecture and spatial inquiry, Blaine, Washington, USA

4. Les problèmes, les difficultés doivent être formulés pour éviter les non-dits qui nuisent à l’harmonie des êtres et des lieux. Ce travail de “confession”, de verbalisation du corps au cœur, puis à l’esprit et à la parole, se doit d’être réalisé tant sur le plan des mots que sur celui du cœur et de l’énergie.


Cherokee Paper Sculptures, Eckman fine art.

5. L’interrelation, l’interdépendance lient les connaissances conceptuelles et expérimentales, cœur, conscience et esprits, hommes, nature et objet. Tout est équilibre entre un ensemble de composantes vivantes qui ont chacune un rôle et une fonction. L’ensemble ne fonctionne que parce que chacune des parties est reliée aux autres et remplit au mieux son rôle.


Ira Tviga, Untitled, from the series Soundstills 0.00001

6. Leur système de compréhension du monde est un système fragile qui se doit d’être préservé et entretenu. C‘est pourquoi ce même système permet de gérer en permanence les problèmes de pouvoir et de dogmatisme liés à tout groupe social structuré autour d’un projet collectif. De fait, leur système est en permanente évolution, et ce, afin de maintenir un équilibre subtil entre les forces internes et externes qui interagissent sur leur société où le changement, la confrontation des contraires et des subjectivités sont vécus comme des composantes essentielles de la vie. Association VDS. Voice dialogue news 48 (pdf), page 3, 2008.

Ira Tviga, Untitled, from the series Soundstills 0.00002

Toutes les cérémonies Lakota se terminent par les mots Mitakuye Oyasin qui signifient « à tous mes proches ». Ils indiquent que nous avons prié pour tous nos proches, ce qui inclut tous les êtres humains sur cette terre, et tout ce qui vit : tous les animaux, même l’insecte le plus minuscule, et toutes les plantes, y compris la fleur sauvage la plus frêle. Archie Fire Lame Deer


Oops by Chris Beckman.

Références :
Hutte à sudation
Vimeo
Ufunk
Wickedpaedia
American indian film